Pourquoi la moutarde de Bourgogne fait son grand retour
Dépendante des importations de graines canadiennes, la France a connu cette année une pénurie de moutarde. Une prise de conscience qui a incité la filière à rebooster sa production. Néanmoins, des incertitudes demeurent.
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1 LE CANADA RAGAILLARDI
L'absence des pots de moutarde dans les rayons a mis en évidence la dépendance de la filière qui importe 80 % des graines. Une matière première qui s'est faite rare, puisque le dôme de chaleur qui a sévi pendant l'été 2021 au Canada a réduit de moitié sa production. Pour 2022, le principal exportateur mondial a considérablement augmenté sa sole de moutarde. Toutefois, « pour l'instant nous sommes sans nouvelles du Canada, fait savoir Luc Vandermaesen, président de l'association Moutarde de Bourgogne, il ne libère pas les graines, nous n'avons pas la possibilité d'en acheter ». Les moutardiers comme Reine de Dijon ou la Moutarderie Fallot, qui n'utilisent que des graines de Bourgogne où les rendements ont été satisfaisants cette année, pourront assurer leur production jusqu'à la prochaine campagne, mais pour les autres la situation est en suspens.
2 DE NOUVELLES ZONES DE PRODUCTION
Poussés par la pénurie, les moutardiers de Bourgogne souhaitent aujourd'hui se fournir à 40 % sur leur territoire. Une demande qui représente 15 000 t de graines et qui a nécessité de tripler la sole moutarde ainsi que le nombre d'agriculteurs. Depuis 2020, de nouvelles zones dans la Nièvre, mais aussi dans les départements limitrophes de la Bourgogne, engrangent des producteurs. « Le rapprochement administratif avec la Franche-Comté a ouvert le rayon d'action pour produire de la moutarde », ajoute Eric Ducornet, responsable nouvelles filières, outils terrain, marketing chez 110 Bourgogne. Ainsi, de 165 en 2021, les agriculteurs sont aujourd'hui 540 à se lancer dans la production de moutarde de Bourgogne. Les coopératives s'organisent pour stocker cette future production. 110 Bourgogne prévoit notamment de mobiliser cinq silos supplémentaires.
3 UN DOUBLEMENT DU PRIX
Ces dernières années, la production de graines n'a cessé de diminuer, considérée comme peu rentable et trop risquée. Pendant vingt ans, le prix de la tonne a oscillé entre 800 et 900 €/t, puis a atteint un pic à 1 350 €/t en 2022. Annoncée à 2 000 €/t pour 2023, la valorisation du prix de vente marque une « réelle volonté de rebooster la production et de donner envie aux producteurs, afin qu'ils ne s'en détournent pas au profit des céréales », souligne Eric Ducornet. Une stratégie payante qui a motivé des céréaliers en quête de diversification.
4 UNE PÉRENNITÉ INCERTAINE
Rendu vulnérable par le retrait de nombreux insecticides, l'avenir de la moutarde est néanmoins incertain. « La pérennité de cette filière passera nécessairement par des dérogations d’insecticides car si on a des attaques d’altises, tous les hectares mis en place disparaîtront », alerte Eric Ducornet. En effet, le dernier insecticide qui était en lice, Boravi, est désormais interdit. Une dérogation 120 jours a été obtenue pour 2023 pour Minecto Gold qui, selon Fabrice Genin, président de l'association des producteurs de graines de moutarde de Bourgogne, ne permettra pas de gérer les ravageurs. « À partir de 2024, les hectares vont dégringoler, si on ne convainc pas l’État de donner des solutions », déclare-t-il. Pour résoudre cette crise, Luc Vandermaesen mise, lui, sur « le programme de recherche et d’amélioration variétale » qui permet de développer « des graines plus résistantes au froid et aux insectes ».
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